Frappe-toi le cœur (4/5)

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Concis et intense, ce nouveau roman d’Amélie Nothomb relate de manière puissante le sentiment de jalousie qui empoisonne la relation mère-fille.

« Maman, j’ai tout accepté, j’ai toujours été de ton côté, je t’ai donné raison jusque dans tes injustices les plus flagrantes, j’ai supporté ta jalousie parce que je comprenais que tu attendais davantage de l’existence, j’ai enduré que tu m’en veuilles des compliments des autres et que tu me le fasses payer, j’ai toléré que tu montres ta tendresse à mon frère alors que tu ne m’en as jamais témoigné une miette, mais là, ce que tu fais devant moi, c’est mal. Une seule fois, tu m’as aimée, et j’ai su qu’il n’y avait rien de meilleur en ce monde. Je pensais que ce qui t’empêchait de me manifester ton amour, c’était que je sois une fille. Or, à présent, sous mes yeux, l’être que tu arroses de l’amour le plus profond que tu aies jamais manifesté, c’est une fille. Mon explication de l’univers s’écroule. Et je comprends que, tout simplement, tu m’aimes à peine, tu m’aimes si peu que tu ne penses même pas à dissimuler un rien ta passion folle pour ce bébé. La vérité, maman, c’est que s’il est une vertu qui te manque, c’est le tact. »
Diane cessa d’être un enfant à cet instant. Pour autant, elle ne devint ni une adulte ni une adolescente : elle avait 5 ans. Elle se transforma en une créature désenchantée dont l’obsession fut de ne pas sombrer dans le gouffre que cette situation avait creusé en elle.
« Maman, j’ai essayé de comprendre ta jalousie, et en guise de gratitude, tu ouvres devant moi le gouffre dans lequel tu es tombée, à croire que tu cherches à m’y faire chuter, mais tu n’y réussiras pas, maman, je refuse de devenir comme toi, et je peux te dire que sans même y être tombée, rien que sentir l’appel de ce gouffre, j’ai si mal que je pourrais hurler, c’est comme la morsure du vide, maman, je comprends ta souffrance mais ce que je ne comprends pas, c’est ton peu d’égards pour moi, en vérité tu ne cherches pas à partager ton mal avec moi, cela t’est juste égal que je souffre, tu ne le vois pas, c’est le dernier de tes soucis et c’est cela le pire. »

Comment ne pas se prendre d’affection pour cette enfant victime d’une telle ignorance et insensibilité de la part de sa mère ?
C’est à 11 ans, à la suite d’une rencontre avec un médecin que Diane aura la révélation que c’est dans la pratique de la médecine et plus particulièrement de la cardiologie qu’elle trouvera son apaisement.
« Frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie ! » (FLAUBERT).
Cette relation maternelle toxique qui aurait pu détruire Diane, va finalement la rendre plus forte.
Même si ses relations sociales resteront compliquées de par sa saisissante maturité et intelligence, elle se concentrera uniquement à atteindre son objectif professionnel.
Mais une rencontre déstabilisante avec une femme va compromettre sa réussite et son équilibre. Cette femme va se révéler narcissique et manipulatrice, un processus de destruction que ne connait que trop bien Diane….

Aucune violence, aucun débordement, tout est insidieux, sous-jacent, presque indécent.
La fin est magistrale !
On peut néanmoins reprocher à l’auteure une approche trop caricaturale du caractère des personnages.
Roman poignant. Ecriture maîtrisée et épurée, agrémentée d’une jolie dose de suspens.
Belle réussite !

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