L’Art de perdre (4/5)

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Alice Zeniter nous livre un récit (d’inspiration autobiographique ?) puissant et sensible, soutenu par une très belle écriture, et recherches historiques à l’appui.
Naïma, jeune galeriste, retrace la fresque d’une famille harkie kabyle sur trois générations.
Le patriarche, le fils, la petite-fille : trois personnages, trois époques, trois pans d’histoire et de culture arabe et française.
Débarqué à Marseille en 1962, le grand-père de Naïma fuit l’Algérie pour échapper aux représailles du FLN et sera parqué dans un misérable baraquement avant d’être expédié, avec femme et enfants, en Normandie dans une cité H.L.M.
« l’Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche entourant de barbelés les camps d’accueil. »
Hamid, son père, lui restera à jamais marqué par ces années de jeunesse passées en camp de transit et se fera par conséquent un devoir de réussir.
« La nuit, au lieu de dormir, il jardine à l’intérieur de lui. Là où c’est noué, il taille. Là où c’est bouché, il creuse. Des interdictions internes qu’il a été capable de déceler, il n’en garde qu’une parce qu’il pense qu’elle l’aide, qu’elle n’est pas une liane mais un tuteur : l’interdiction de ne pas être le meilleur. »
On suivra tout au long de ce roman la lutte perpétuelle de chacun des protagonistes entre, d’une part, le devoir / le désir d’intégration, et d’autre part la nécessité de connaître ses origines et son histoire.
« …. Naïma réalise à quel point elle ignore tout de l’Algérie historique, politique et géographique, de ce qu’elle va appeler la vraie Algérie en opposition à Yema et au Pont-Féron qui constituent son Algérie personnelle et empirique. »
Ces personnages nous font ressentir de l’intérieur ce que peuvent être la peur, l’exil, la perte, la honte, et, d’une manière plus sociologique, les enjeux d’une intégration trop souvent manquée.
« … un pays n’est jamais qu’une seule chose à la fois : il est souvenirs tendres de l’enfance tout autant que guerre civile, il est peuple comme il est tribus, campagnes et villes, vagues d’immigration et d’émigration, il est son passé, son présent et son futur, il est ce qu’il est advenu et la somme de ses possibilités. »
Poussée par une mission professionnelle, Naïma retournera en Algérie, presque malgré elle.
Y trouvera-t-elle enfin les réponses tant attendues….?
« Elle ne veut plus partir d’ici. Elle veut absolument rentrer chez elle. »

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