Malamute

Premières lignes....jpg Premières lignes…

 » Avant même de quitter son lit, Germain sût qu’elle était là. Les sons feutrés disaient sa présence, tout comme la clarté intense du dehors que peinaient à contenir les volets. Une excitation toute enfantine s’emparait à chaque fois du vieil homme au moment de la retrouver et il dut refréner l’envie de se ruer vers la fenêtre. Ne pas mettre la charrue avant les bœufs, la phrase préférée que ce trou du cul de kiné d’à peine vingt ans lui rabâchait à chacune de ses visites hebdomadaires.  » Les bœufs avant la charrue, je sais », grommela Germain pour lui-même. Attendre que le sang irrigue de nouveau l’extrémité de ses membres engourdis avant même de penser à chausser les pantoufles. « 

Je tiens avant tout à remercier les éditions Au Diable Vauvert ainsi que Babelio pour l’envoi de ce livre. Reçu dans le cadre d’une Masse Critique Privilégiée,  » Malamute «  est le tout nouveau roman de Jean-Paul DIDIERLAURENT paru en ce printemps 2021. Une avalanche d’émotions où tapissent de nombreux secrets trop longtemps enfouis, dans un huis-clos montagnard.

Jean-Paul DIDIERLAURENT a remporté de nombreux concours de nouvelles et deux fois le Prix Hemingway avant de connaître un succès fulgurant avec son premier roman  » Le Liseur de 6H27 « , repris chez Folio et traduit dans trente-cinq pays.

A quatre-vingt quatre ans, Germain est un être râleur, acariâtre, égoïste et solitaire. Isolé depuis qu’il est veuf, il occupe ses journées à l’étude de sa collection de cernes dans le fin fond de sa cave, ou bien à déblayer la neige devant chez lui lorsque celle-ci se présente. Mais voilà, sa fille unique Françoise vit à Paris et a décidé qu’il n’était plus en état de s’occuper décemment de lui-même. Elle a donc pris l’initiative de proposer à son neveu Basile de profiter d’un logement à l’œil à la montagne en échange de sa compagnie auprès de son père vieillissant.

Saisonnier, Basile, trentenaire, partage l’année entre la conduite d’engins de chantier et la dameuse dans cette même station de ski.

p. 38 :  » Alors qu’il signait, Basile avait chassé de son esprit l’éventualité de se retrouver pour les quatre mois à venir avec sur les bras une Tatie Danielle au masculin. « 

Alors qu’il peine à se remettre d’un drame tragique dont la culpabilité le ronge, Basile fait la connaissance de la nouvelle voisine de Germain, pour le moins surprenante.

p. 90 :  » Le premier moment de stupéfaction passé, Basile se fendit d’un timide sourire à l’intention de cette voisine qui en un instant venait de devenir sa collègue. « 

En effet, un étrange lien unit Emmanuelle à Germain…

p. 102 :  » De retour à Tignes, Emmanuelle n’avait eu de cesse de penser à la maison en bordure de forêt. Sa place se trouvait là-bas. Remonter aux origines, défaire les nœuds, trouver des réponses. L’opportunité du poste de conducteur d’engins de damage n’avait fait que la conforter dans sa décision et à la mi-septembre, Emmanuelle posait ses valises à La Voljoux dans cette maison-sépulture où ses parents avaient un jour enfoui leurs rêves. Et peut-être plus encore. « 

Mais déterrer des secrets peut se révéler parfois bien périlleux…

p. 299 :  » Germain n’aimait pas se retrouver seul avec la voisine qui profitait de ces tête-à-tête pour l’interroger sur la vie de ses parents à Voljoux. « 

Des caractères forgés, taillés par la rudesse du climat. Des habitants de la montagne contraints à des incantations dans l’espoir de voir tomber l’or blanc, signe d’une saison prospère. Un roman envoûtant dont le sentiment de remord est omniprésent. C’est intrigant, bien construit et passionnant. D’une écriture fluide et entraînante, ce roman s’adresse à tout public.

 » C’est peut-être ça le grand cadeau que nous offre la mort, l’instant exact précédant la mort. Où tout devient clair, mais on n’a plus le temps pour le dire. Une révélation rien que pour soi.  » Joseph Incardona – La Soustraction des possibles

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