Pleurer des rivières

Premières lignes....jpg Premières lignes…

« Il la couvrait de baisers, arrachait son fichu, dénouait sa natte, une cascade de boucles fauves dégringolait en ribambelles sur son dos, le vent s’en mêlait, chaleureux. Il l’allongea sur un lit de sable et d’herbes du printemps, il releva sa longue jupe orangée, découvrit ses seins, deux minuscules tétons roses, son ventre, ses cuisses, c’était la première fois qu’il voyait tant de beauté. Elle souleva ses reins, il enleva sa culotte, parcourut de ses lèvres sa peau blanche, elle souriait, elle attendait. Quand il la pénétra avec une tendresse maladroite elle eut mal, elle poussa un cri. Elle se figea mais ce fut elle qui appuya sur ses fesses pour qu’il continue son va-et-vient, petit à petit elle sentit son corps s’emplir de douceur, elle fut submergée, comme noyée de plaisir, son souffle se mua en gémissements. Il jouit vite, trop vite, dans un long râle. Pas elle. « 

 

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Si elle pleure des rivières, c’est parce qu’elle et Julien n’arrivent pas à avoir d’enfant…
 » Pleurer des rivières «  est le premier roman d’Alain Jaspard, paru en cette rentrée littéraire 2018, aux éditions Héloïse d’Ormesson.

Qu’est-ce qui peut bien unir des gitans d’Argenteuil et un couple de bourgeois parisien ?
Lorsque Mériem épouse Franck, ils ne sont encore que des adolescents. Quelques mois plus tard naissait leur premier enfant. Ponctuellement Franck travaille sur les chantiers, mais ce qu’il préfère c’est la récupération de la ferraille.
p. 16 :  » Le cuivre. C’était le cuivre. Le cuivre qui se vendait au cours actuel à huit mille euros la tonne. Bon, c’était quoi la combine? redemanda Franck. Sammy lui expliqua. Franck refusa tout net : la récup’ oui, voleur non, c’était niet. « 
C’est un marché qui rapporte plus, et de l’argent, lui et sa femme vont en avoir besoin. En effet, ils sont désormais à la tête de sept enfants. Alors, au milieu des autres caravanes, et avec la complicité de ses amis, Franck tente de subvenir aux besoins de sa famille, même si pour cela il doit frôler avec la légalité.
p. 55 :  » Tout avait pourtant marché comme sur des roulettes et puis voilà, ils n’avaient pas eu de chance, ils étaient tombés au mauvais endroit au mauvais moment, au beau milieu d’un règlement de comptes, une histoire de drogue apprendraient-ils plus tard. Maintenant ils étaient au trou, dans la gendarmerie de Pontoise, chacun dans sa cellule, impossible de se concerter, de concocter un plan, élaborer un mensonge crédible. « 
Julien Lozachmeur est avocat, et deux fois par mois il s’offre une poussée d’adrénaline se mettant à la disposition de la société en tant qu’avocat commis d’office. Lorsque sa route croise celle de Franck, c’est dans ce tribunal, dans le but de lui éviter la prison. S’il obtient un simple sursis pour ce dernier, son acolyte n’aura pas cette chance.
p. 72 :  » La justice condamnait Sammy à un an dont six mois avec sursis et maintien en détention, direction Fleury-Mérogis. Quant à Franck, « eu égard à sa situation familiale comme l’a dit avec talent maître Lozachmeur », il se contentera de trois mois avec sursis. « 
Se sentant redevable, Franck l’invite au camp pour lui présenter sa femme Mériem. C’est à ce moment-là qu’elle annonce à son mari qu’elle attend leur huitième enfant, prenant en témoin l’avocat. Une charge supplémentaire, il n’en fallait pas moins pour qu’une idée totalement inconcevable germe dans la tête de Franck.
p. 91 :  » Là lui est venue son idée saugrenue : puisque primo, l’avocat et sa femme veulent à tout prix avoir un enfant, puisque, secundo, Franck et Mériem en attendent un qui va leur compliquer considérablement la vie, pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups ? « 
Mais Julien ne peut en toucher mot à Jeanne. Même s’il se sent de plus en plus impuissant face à la détresse de sa femme, privée du bonheur de la maternité.
P. 132 :  » Julien ne pouvait pas faire ça, pas lui, pas un avocat, il doit respecter la loi, il a passé sa vie à l’utiliser au mieux pour le plus grand bénéfice de ses clients, sans jamais la transgresser. « 
Il ne pouvait pas s’imaginer que les deux femmes, que pourtant tout oppose, allaient se rencontrer, allaient sympathiser et même devenir amies. Elles fomentent alors un plan, pensant bien naïvement apporter du bonheur pour l’une et décharger l’autre. Persuadées du bien fondé de leur projet, elles vont entraîner leur mari, bien malgré eux, usant pour y parvenir d’arguments discutables…  Mais les autorités ne vont pas se révéler aussi compréhensives et coopératives.
p. 168 :  » Un type du service social de l’hosto est venu demander une enquête, ça fait plus de quatre mois, on a ouvert un dossier et on l’a oublié sous une masse de procès-verbaux. Il feuillette le rapport, il s’agit d’une suspicion de trafic d’enfants. « 
J’avoue avoir  eu beaucoup de mal à entrer dans l’histoire. Mais ma ténacité a payé et je n’ai absolument pas été déçue par ce roman. Il y a des passages particulièrement mordants, notamment le monologue de Julien, l’avocat (p. 59 à 62). C’est finalement une histoire touchante, humaine, dans laquelle les gentils ne sont pas forcément bons, et les méchants pas complètement mauvais. C’est l’image de la société et de la complexité de l’être humain, de ses sentiments et de ses multiples détresses. La lecture de ce roman ouvre sur de nombreuses interrogations, et c’est ce sur quoi, pour moi, la littérature prend tout son sens.

Note : 3.5/5

Auteur : Alain JASPARD

Année de parution : 2018

192 pages

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